Expulsion à Bobigny ? La justice a dit le droit, à l'Etat d'agir.

Après que le TGI de Bobigny ait accordé jusqu’au 30 juin 2020 aux habitants de l’ancienne aire d’insertion située au 165 rue de Paris à Bobigny, l’arrêté municipal qui les mettait en demeure de quitter rapidement les lieux a, à son tour, été suspendu par le Conseil d’Etat dans une décision rendue ce 13 février 2019. Si les habitants n’envisagent pas de recours pour détournement de pouvoir, ils espèrent cependant que le temps accordé par la justice sera mis à profit à bon escient par les autorités pour qu’à la fois le projet d’aménagement sur le site soit réalisé et qu’ils soient convenablement relogés ailleurs.

Ils étaient installés sur ce site dans des caravanes achetées par la mairie de Bobigny en 2012. Un projet d’accompagnement social avait été alors mis en place, réalisé par les associations Rues et Cité et Cité Myriam. Après le changement politique intervenu en 2014, la nouvelle majorité avait refusé de renouveler la convention d’occupation précaire et celle qui la liait avec les associations susmentionnées au-delà du 30 juin 2015. A la fin de leur mission, les associations avaient réussi tout de même, en coopération avec la ville, reloger un certain nombre de familles et celles restantes avaient déjà bien avancé dans leurs démarches diverses : droit au séjour, emploi et activité économique, scolarisation, accès aux soins…

La demande d’expulsion formée en référé par le nouveau propriétaire, l’entreprise départementale Séquano Aménagement avait été rejetée par le TGI de Bobigny en décembre 2015. Les juges avaient estimé alors qu’il n’y avait pas d’urgence à expulser, ni au vu des travaux envisagés sur le site, ni au vu des conditions d’hygiène et de sécurité, qui étaient satisfaisantes puisque créées dans les normes par les services de la ville.

La seconde demande d’expulsion par le même propriétaire aménageur, cette fois-ci au fond, a été acceptée par le TGI de Bobigny le 31 janvier 2018, mais assortie d’un délai de 17 mois, soit jusqu’au 30 juin 2020. Le juge civil, avait considéré que le droit à la vie privée et familiale des habitants exigeait que leurs démarches aboutissent à un relogement pérenne, ce qui demande du temps.

Or, anticipant une telle décision dans la procédure intentée par Séquano, le maire de Bobigny a pris le 26 octobre un arrêté de mise en demeure de quitter les lieux pour risques quant à la sécurité et à la salubrité du site. C’était le deuxième arrêté de ce type, le premier ayant été annulé par le Tribunal administratif de Montreuil en 2017, pour absence de preuves de risque. Le 11 décembre 2018, cependant, le même tribunal valide ce second arrêté au motif, non étayé, que le nombre des habitants avait augmenté et que les risques aussi.

Saisi par les habitants en appel, le 13 février le Conseil d’Etat a annulé l’ordonnance du Tribunal administratif de Montreuil et a suspendu l’arrêté municipal. Il considère que les risques invoqués par cet arrêté sont infondés et que l’arrêté a porté « une atteinte grave et manifestement illégale, eu égard à l'absence de relogement … au droit [des habitants] au respect de leur vie privée et familiale ainsi que de leur domicile ».

La justice a parlé et c’est son dernier mot. Les habitants sont à la fois conscients de la nécessité de quitter les lieux et déterminés à ne pas se retrouver dans des bidonvilles après sept ans de stabilité et d’un relatif confort qui leur a permis d’avancer dans toutes leurs démarches. L’instruction interministérielle du 25 janvier 2018 relative à la résorption des bidonvilles comme la stratégie régionale pour les campements illicites doivent s’appliquer de sorte à assurer ce double objectif. La balle est dans le camp des autorités publiques en charge de leur application.

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